Chaâbi...
Anissa MEKHALDIMusique de la joie et de la peine, le Chaâbi, qui veut dire populaire en Arabe, est la musique qui célèbre les retrouvailles, les mariages, ces moments heureux qu'on veut faire partager avec ses proches.
C'est les zarharits (youyous) des femmes mêlées à la bonne odeur du café, à la musique des groupes de "alli" qui célèbrent "l'arass" sur les terrasses des maisons, les belles nuits d'été.
C'est les peines et l'amertume de l'exil chanté par la célebrissime voix de Dahmane El harrachi ou celle de Slimane Azem, les chagrins du coeur chantés par le talentueux Amar Ezahi, la pérennité de la tradition poétique orale du maghreb dans toute sa splendeur.
Cette musique algéroise par excellence, puisque née dans les ruelles de la Casbah au début du siècle célèbre sa fête à... Paris.
Une date à retenir du 15 au 19 Mars 2000, aura eu lieu le festival du Chaâbi, l'initiative de cet événement revient à Mohamed ali Allalou ex-animateur radio et télé à Alger, il figure parmi les voix qui ont voulu une autre radio sans tabous ni langue de bois, avec des émissions mythiques comme "sans pitié" ou "kabssa chamma" il a su se rendre proche du public avec juste un micro là ou d'autres ont échoué malgré leurs moyens.
Mohamed ali nous a accueillis chaleureusement sous le chapiteau qui célébrera ces cinq soirées de bonheur.
Première impression : bonne atmosphère et ambiance conviviale semble se dégager de ces lieux qu'on appelle paradoxalement "cabaret sauvage", le décor fait de meubles en bois rustique et de coins bars rappelle de prés celui des "saloon's" (vous savez ces bars-salles ou se passent généralement presque toutes les scènes des films cowboys avec l'incontournable chevauchée du désert).
A notre première question pourquoi ce festival ? Allalou répond : d'abords ce n'est pas la première fois que j'organise ce genre d'événements, j'ai déjà mis en scène des artistes en Algérie comme T34 ou Raina rai et d'autres, j'ai également organisé l'année passée le festival des femmes algériennes et le spectacle "Algérie mon amour", et on m'a toujours demandé pourquoi ? et pourquoi pas le Chaâbi, c'est une musique qui est en train de se faire connaître, regardez la reprise de Rachid Taha "ya rayah" elle a fait un carton elle a été chantée en 7 langues dernièrement en hindou, c'est extraordinaire non..! - Comme pour soutenir les femmes algériennes ou chanter la paix en Algérie quel est l'objectif pour le Chaâbi ? M.A.A : le Chaâbi, fait partie de notre culture,on n'y trouve un peu de notre histoire, un peu de nos traditions, ses poésies sont une source très riche en vocabulaire, l'authentique dialectal Algérois, prenez par exemple "EL HARAZ" est plus célèbres chansons du répertoire Chaâbi, eh, bien mêmes les interprètes eux mêmes avouent ne pas saisir le sens de toutes ces expressions, ça donne une idée de l'ampleur de la dévalorisation qu'a subi notre dialectal - pourtant si beau dans une guerre politiquo-linguistique.
Le Chaâbi constitue dans tout ça, un garant, parmi d'autres de la pérennité de ce patrimoine, ça me rappelle aussi la confidence d'un chanteur de Chaâbi très connu qui m'a avoué sa déception de voir le millinium de "EL BAHDJA" fêté avec des troupes étrangères alors que le Chaâbi était là, si on s'en occupe pas assez il va disparaître avec la disparition des ces artistes.
Mais pourquoi des groupes de rap en pleine fête de Chaâbi ? M.A.A : le Chaâbi aujourd'hui a deux écoles, une conservatrice, puriste qui veille jalousement à la tradition ancestrale de cette musique, d'autres plus novateurs introduisent des sons nouveaux sur cette musique, comme a fait Rachid Taha ou les groupes de rap comme Intik ou MBS.
Je crois que les deux écoles se valent et pour ça ces groupes de rap sont là aussi.
Dernière question la radio ça vous manque ?? - Ah, oui terriblement, j'ai déjà eu des expériences radiophoniques ici en France mais j'avoue que j'étais déçu par l'attitude des radios communautaires qui se désintéressent complètement des vrais problèmes de notre communauté, on ne va pas voir ces gens là, on ne leur demande jamais leur avis, ils sont vraiment marginalisés et par les pouvoirs publiques et par les médias qui sont censées les représenter.
J'aurais voulu bien des fois, sortir en banlieues avec mon micro à la main, comme je faisais à Alger à l'encontre des gens, les écouter et leur donner la parole malheureusement l'occasion ne m'a jamais été donné de le faire.
Le portable de Allaou sonne... on se rends compte que le temps a passé très vite, on décide de prendre congé, laissant Allaou à sa mission nous mettre en scène la magie du Chaâbi.