anissa LE VISA...

5 taxis sont déjà passés, aucun ne s'est arrêté, on n'a même pas daigné lui demander sa destination, après tout on aurait pu le déposer ne serait ce qu'a mi-chemin.. De bon matin c'est vraiment de mauvais augure pense Mohamed. Il regarde sa montre pour l'énième fois et poussse un petit soupir d'impatience, pourvu qu'il n'arrive pas en retard à son rendez-vous au consulat français. Comme pour se rassurer, il serre tout contre lui sa vieille serviette cuir devenu désormais précieuse et pour cause elle contient la réponse du consulat. La palpant encore de ses mains pour se convaincre de ce qu'il lui arrive, il repense encore a ce courrier "c'est un miracle... qui aurait pu croire qu'il aurait une réponse positive à sa demande de visa ! Contre tous les avis opposés, il n'a jamais baissé les bras, c'est la sixiéme 6 éme tentative qui a porté ses fruits. Mohamed est ce qu'on appelle un ''entêté'' il a tout essayé, toutes les bonnes ficelles dont il a entendu parler en quête de la "Harba". A commencer par une demande d'immigration pour le Canada : déstination très en vogue à une certaine époque, on lui avait dit que ça pouvait marcher ; Mohamed n'a pas eu de chance, sa demande est restée sans suite, sans doute avait-on jugé qu'un diplomé en lettres arabes n'était pas le candidat idéal pour le Canada.

Infatigable, il tenta sa chance avec la tombola de la "green card" il paraît que les Etats unis encourage l'immigration et c'est plus facile de s'y installer qu'en Europe. Des espoirs qu'il n'aura pas caressé longtemps, après les événements du 11 septembre 2001,toutes demandes en provenance de certains pays dites ''a risque'' comme l'Algérie a été suspendue à une date ultérieure. Il abondonna dégouté, sa mère avait raison, elle disait qu'il a tellement peu de chance, que s'il voulait voir la mer, il la trouverait assèchée. Sur le conseil de certains amis, il a essayé de voir du coté des pays "frères", les fameuses monarchies du golfe, là où le pétrole coule à flots les salaires sont en dollars, il a constaté par lui-même l'exode de certains intellectuels journalistes, professeurs et autres cadres attirés par des salaires élevés. Il s'est vite rendu compte de la rudesse des méthodes de selection dignes de la NASA américaine. A croire que les émirs ont oublié le sens de l'hospitalité arabe...

Le klaxon du taxieur l'arrache à ses pensées, il revient sur terre et se presse de s'installer dans la voiture avant que le chauffeur ne lui demande la déstination, fort heureusement il accepte de l'enmener, Mohamed souffle de soulagement et recommence à errer des pensées. Que peut changer le départ a sa vie ? Certainement beaucoup se dit-il, il revoit le petit F3 dans lequel "cohabitent" ses parents son frère, sa femme et ses 3 frères. Il n'y revient que pour manger et dormir, les querelles entre mère et belle sour, le tapage des enfants et le manque d'espace sont devenus insuportables. A 30 ans Mohamed espère une autre vie, il aurait voulu se marier, avoir sa propre maison même un petit studio, voyager ou se payer des vacances, héla c'est demander l'impossible avec son petit salaire d'instituteur. Le taxi freine brusquement et Mohamed se voit déjà devant les batisses du consulat, la file d'attente est impréssionante, le jeune homme y prend place et attends patiemment son tour, Deux heures après il se retrouve dans une sorte d'anti-chambre qui sert d'hall d'accueil.

Il tend sa convocation à l'agent du service, un quadragénaire au regard bleu azur, l'agent prend le courrier et commence à chercher dans un long listing. , sans doute le rendez-vous de Mohamed, affichant un air interrogateur et perplexe, il prend le combiné téléphonique et tente de joindre une autre personne, quelques minutes lui suffirent pour obtenir l'information qu'il attendait , il s'approche alors de Mohamed et lui tend son courrier en murmurant à peine "désolé, monsieur ce courrier est une erreur".

Anissa MEKHALDI